Platform.sh est une entreprise précurseur en matière de travail à distance en France, construite autour d’un modèle 100% remote depuis 2017, et avec plus de 300 employés répartis dans 36 pays.
Entrevue avec Céline Méchain, ex-DRH de Platform.sh : après ses 6 années d’expérience à faire grandir l’entreprise, elle nous livre tous ces conseils et bonnes pratiques.
Dans cet article :
- Pourquoi le travail à distance est un levier de recrutement extraordinaire
- Quels sont les points d’attention lors du recrutement
- Réussir l’intégration des nouveaux arrivants
- Quelques conseils sur le management à distance
- Quelle mobilité internationale adopter
- Pourquoi formaliser sa politique de travail à distance
LE TRAVAIL À DISTANCE COMME LEVIER D’ATTRACTIVITÉ
Le télétravail est un levier d’attractivité incroyable.
À la question “Comment être attractif en tant qu’employeur ?” opter pour un modèle flexible peut être une solution.
Spoiler : ça fonctionne pour d’autres, donc ça peut aussi fonctionner pour vous.
La condition ? Repenser son organisation et adopter les meilleures pratiques en matière de travail à distance. Et ça tombe bien, on est là pour vous aider.
“Recruter dans l’informatique, c’est la croix et la bannière. Alors que chez Platform.sh, on reçevait plus de 10 000 candidatures par an, sans aucune difficulté.”
Céline Méchain, ex-DRH de Platform.sh
Selon Céline, « c’est mathématique : si vous recruter sur un secteur géographique limité, vos candidatures seront limitées… »
Si vous voulez être attractif, soyez prêts à proposer de la flexibilité.
Mais pas n’importe comment.
LES POINTS D’ATTENTION LORS DU RECRUTEMENT
« Le travail à distance, ce n’est pas pour tout le monde »
explique Céline.
Dès la phase de recrutement, elle recommande d’être attentif.ve sur certains points :
- L’autonomie : S’assurer que les candidat.e.s peuvent travailler de manière indépendante et prendre des initiatives sans supervision constante, c’est essentiel en télétravail. Pour Céline « le travail à distance, c’est savoir où trouver l’information »
- Un bon équilibre vie professionnelle et vie personnelle : Il est important d’évaluer l’équilibre de vie des candidats pour prévenir de l’isolement.
- Le cadre de travail : demandez à vos candidats dans quel espace de travail ils se projettent. Avoir un environnement adapté est crucial pour le succès en télétravail. Vous ne travaillez pas de la même manière dans un 25m², où votre table de salon est aussi votre bureau, qu’avec une pièce dédiée.
- L’esprit entrepreneurial : Selon Céline, les candidats qui ont une expérience antérieure dans l’entrepreneuriat peut être bénéfique, car se sont des personnes qui savent s’autogérer.
- L’expérience en télétravail : L’importance de valoriser les candidats ayant déjà réussi dans un environnement à distance. Ce point n’est pas obligatoire, mais il est rassurant.
- La communication écrite : Les compétences en communication écrite sont essentielles dans un contexte de télétravail, car la majorité des
Comment évaluer ces qualités ?
Une scorecard peut vous aider, à l’aide de questions prédéfinies, et d’un score en fonction de la réponse des candidats.
Exemples de questions pour évaluer l’axe autonomie :
- As-tu déjà travaillé de manière indépendante sans supervision directe au quotidien ? Raconte-moi.
- As-tu déjà été dans une situation où l’information dont tu avais besoin n’était pas facilement accessible ? Comment as-tu procédé ?
- Comment organises-tu ton travail lorsque tu as plusieurs priorités ?
- Comment assures-tu que ton travail est aligné avec les objectifs globaux de l’entreprise ?
Pour analyser plus efficacement les soft-skills de vos candidat.e.s, vous pouvez aussi utiliser un outil d’évaluation comme AssessFirst, qui a développé un “Remote score” : un indicateur pour évaluer cette aptitude selon des critères bien précis.
Si vous souhaitez plus d’informations sur le principe d’entretien structuré, l’entreprise Shine propose un kit de recrutement à télécharger ici.
Exemple d’exercice pour la communication écrite :
Faire parvenir aux candidat.e.s des questions écrites (2 à 4 questions) pour évaluer la clarté, la structure et la profondeur des réponses. L’exercice est présenté à la fin du premier entretien et il est demandé aux candidat·e·s de s’engager sur une date de réponse.
Exemples de questions : Pourquoi pensez-vous que vous excelleriez dans votre travail chez {{nom de votre entreprise}} ? Comment notre culture vous permettrait-elle de vous épanouir ? Qu’est-ce qui vous passionnerait dans le fait de travailler dans le secteur de {{votre secteur}} ?
À vous d’être créatif 😉
FAVORISER LE SENTIMENT D’APARTENANCE DES NOUVEAUX COLLABORATEURS À DISTANCE
Comment favoriser le sentiment d’appartenance des nouveaux collaborateurs à distance ?
L’intégration à distance requiert une préparation minutieuse :
1/ Garder le lien
En France, on a souvent cette période de préavis qui est assez longue. Quand vous savez qu’un candidat va vous rejoindre dans trois mois, ne pas hésiter une fois par mois à envoyer juste un petit message. Le candidat se sentira attendu, et ça fait toujours plaisir (et ça, tout le monde peut le faire)
2/ Formaliser le processus d’intégration
Préparer l’arrivé en amont et formaliser le processus d’onboarding est crucial. Pour Céline, « c’est beaucoup de préparation de la part de l’entreprise qui va faire beaucoup de choses en amont de l’intégration du jour-J, partager des informations ». C’est aussi une manière de faciliter la prise d’autonomie du nouvel arrivant et l’habituer à aller chercher l’information par lui-même. De plus, les candidat.e.s auront plaisir à découvrir que vous avez vraiment préparé son arrivé.
“Voici quelques infos sur comment va se passer ta première semaine ! Nous avons très hâte que tu arrives.”
Par exemple, le parcours d’intégration peut être formalisé sur Notion ou autre outil de capitalisation, sous forme de différentes étapes par laquelle le candidat doit passer. Cela peut être des éléments de culture de l’entreprise, l’organisation, les règles, les ambitions, etc.
Pour qu’une information soit bien intégrée, il faut que cette information soit partagée 7 fois. Donc n’hésitez pas, vous ne ferez que renforcer le sentiment d’appartenance.
3/ Mixer les expériences
Dans les premières semaines, Céline conseille de combiner formations en ligne, documentation à lire, et interactions en face-à-face pour une immersion complète. À bannir absolument : assommer le salarié de formations en ligne à faire, tout seul pendant 1 semaine. Faux départ !
4/ Inviter les employés aux événements physiques
Si vous avez un salon de prévu ou encore des locaux de disponibles, encourager vos futurs employés à venir vous rendre visite, surtout au début de l’intégration.
5/ Assurer la rencontre avec des interlocuteurs clés
C’est comme prévoir un tour de bureau, mais à distance. Selon Céline, c’est à l’employeur de faciliter ces rencontres pour que l’intégration soit réussie, surtout au début.
6/ Réaliser des vidéos de présentation pré-enregistrées
Offrir une vision claire de l’entreprise, sa culture, ses ambitions, et ses membres à travers des vidéos préenregistrées pour l’orientation des nouveaux est très apprécié. Lorsque le nouveau collaborateur rencontre la personne en face-à-face, elle pourra donc poser ses questions. Ce sera un échange plus équilibré.
7/ Organiser des sessions de shadowing
Suivre un collègue dans son activité pendant un temps donné, en partage d’écran. Ces sessions doivent être organisées par le manager, ou les ressources humaines, avec des personnes qui se portent volontaires.
8/ Encourager les espaces de discussions informelles
Les outils de communication doivent aussi servir pour des espaces de discussions informelles, dans Slack ou Discord par exemple.
« Quand tu commences à avoir une société de 150 ou 200 personnes, on se connaît moins.
Avoir des groupes de discussion par centres d’intérêts, c’est très important. Chez Platform.sh, tu as les joueurs d’échecs, tu as les mamans, t’as des groupes qui se créent comme ça »
Selon Céline, il faut que l’entreprise laisse la possibilité aux gens de créer ces espaces, mais ça ne vient pas de la hiérarchie, ça vient pas de l’employeur.
MANAGER À DISTANCE
Comment manager à distance ? Cet article donne quelques conseils de Céline, mais mérite un article plus complet par la suite.
1/ Assigner des managers expérimentés
Selon Céline, des responsables expérimentés seront plus à même de guider les équipes à distance. C’est crucial pour le mentorat.
2/ Mettre en place un suivi de la performance
Être très clair sur les objectifs de l’année, que ce soit les objectifs d’entreprise et comment chacun contribue au niveau individuel. Les objectifs doivent être aussi clarifier pour les premières semaines et les premiers mois. Le manager doit s’assurer de la compréhension des missions et des responsabilités de chaque membre. Cela garantit l’alignement et une direction claire pour tous : chacun sait où il doit aller.
3/ Organiser des points réguliers
Céline conseille fortement de réaliser des points réguliers avec les nouveaux collaborateurs, même si ces points sont d’une courte durée.
Pour ce qui est des points réguliers de manière générale, Alan (une entreprise remote first) donne accès à son guide sur comment accompagner la performance et cultiver l’engagement ici.
4/ Instaurer une culture du feedback
Faire des feedbacks réguliers en tant que manager est très important selon Céline, surtout à distance. Le but est de s’assurer que les collaborateurs avancent dans le bon sens. Dans un contexte de travail à distance, ça aide aussi à la fluidité des relations, à l’implication des équipes et à la montée en compétences.
5/ Prévoir des formations
Préparer les équipes pour un management à distance peut être bénéfique à un certain moment, et pour certaines personnes qui n’ont jamais eu à manager à distance. Des organismes comme Numa peuvent proposer des formations, notamment sur le travail à distance.
6/ Prévenir et gérer les conflits
Céline préconise d’installer un outil de remontée de conflits pour permettre aux employés de signaler anonymement les problèmes. Elle privilégie la communication écrite pour la résolution de conflits, pour encourager une approche réfléchie.
FORMALISER SA POLITIQUE DE TRAVAIL À DISTANCE
1/ Définir des directives claires
« Le télétravail favorise la mobilité géographique. Pour autant, il y a beaucoup de réalités différentes derrière cette mobilité géographique »
explique Céline.
Chaque collaborateur peut avoir des demandes spécifiques concernant la mobilité. Être « Digital Nomad », partir à l’étranger pour 2 semaines, ou encore partir s’installer dans un autre pays que la France… Bref, ça peut vite devenir un véritable casse tête pour l’entreprise.
Pour Céline, il faut se poser les bonnes questions :
- Qu’est-ce que j’autorise comme décalage horaire ? Pour quelle(s) raison(s) ?
- Qu’est-ce que j’autorise comme pays en fonction des contraintes sur place ? Pour quelle(s) raison(s) ?
- Quels pré-requis pour les salariés ? Pour quelle(s) raison(s) ?
- Comment les salariés doivent-ils faire la demande ? Qui doit valider ? Pour quelle(s) raison(s) ?
Par exemple : déterminer le nombre de semaines maximum autorisées pour les séjours courts et le nombre de jours dans une année complète, ainsi que les conditions prérequises pour pouvoir partir (processus de demande au manager, assurances etc.).
C’est important et nécessaire de fixer des règles et des limites, et que ces règles soient les mêmes pour tout le monde.
2/ Formaliser sa politique
Une fois que les critères et les processus sont définis, Céline conseille fortement de formaliser sa politique. D’ailleurs, cette formalisation du cadre concerne toutes les règles établies. Formaliser sa politique, c’est pouvoir rendre accessible les informations aux candidat.e.s et aux collaborateurs. Céline insiste sur le fait qu’il est très important de formaliser le cadre, pour qu’il soit connu de tous, et surtout respecté.
Pensez à une équipe de rugby : chaque membre joue en sachant pertinemment qu’il doit composer avec des règles du jeu, que ces règles sont les mêmes pour tous, et qu’il doit les respecter.
Un grand remerciement à Céline Méchain pour toutes ces bonnes pratiques.